THE 25 MOST IMPORTANT GIGS

Jacques Boumendil fut le cameraman et l’un des photographes lors du tournage du « Live at Pompeii » du 1er au 7 Octobre 1971* Il a accepté de répondre à quelques questions. Les photographies présentées ici ont été gracieusement communiquées par J. Boumendil lui-même. Merci de ne pas les utiliser de quelque manière que ce soit. 

RPF: « Quel a été votre parcours professionnel avant 1971 ? »

Jacques Boumendil: « Je suis entré à la RTF en 1963 comme 3e assistant opérateur. Je sortais de 4 ans d’études d’électroniques et d’un an d’études de photo. Après un an à la télévision, j’étais  envoyé en Allemagne à Baden-Baden pour obligations militaires,  où j’ai poursuivi ma passion pour la photo et j’ai pu animer un ciné-club. J’ai re-intégré la télévision en 1965 où j’ai participé comme assistant-opérateur à de nombreux films tous tournés en 35 mm, des fictions qu’on appelait à l’époque des dramatiques ».


RPF: « A quelle occasion avez-vous été amené à participer à ce projet ? Connaissiez-vous préalablement Adrian Maben via la télévision et qu'avez-vous pensé de prime abord de cette idée de spectacle ? »

Jacques Boumendil: « Ma rencontre avec Adrian a eu lieu dans le contexte de la TV française vers les années 1969. Il était un jeune réalisateur très talentueux avec lequel je me sentais beaucoup d’affinités esthétiques. Je faisais mes début de caméraman sur des petits sujets magazines: « Pour le Plaisir » de Roger Stephane, « Dim Dam Dom » de Daisy de Gallard. J’ai également travaillé avec Adrian sur des programmes produits par la société de Michèle Arnaud, MHF, dont beaucoup de co-productions avec la RTBF. Nous avons travaillé ensemble sur de nombreux films d’art pour MHF, rencontré de nombreux artistes (César, Tinguelli, Agam) et passé en revue tous les grands mouvements de la peinture, de la littérature, et de la musique ». 


RPF: « Lorsque vous avez été engagé sur le projet, était-ce en tant qu'opérateur et directeur de la photographie ou cela s'est-il décidé en cours de tournage ? » 

Jacques Boumendil: « J’étais engagé comme caméraman ainsi que Claude Agostini. Adrian et moi avions tournés plusieurs films avec des groupes rock anglais tels que Family & East of Eden toujours avec MHF et RTBF. Donc nous avions une expérience des groupes. J’avais filmé également des festival de musique rock tel que le festival d’Amougies en Belgique en 1969 avec au programme entre autre les Pink Floyd. Je n’imaginais pas que je les reverrais deux ans plus tard.  Riche de ces expériences Adrian tout naturellement m’a exposé son projet de tourner en 35 mm dans le site de Pompei ce mariage d’un groupe et d’un site aussi grandiose sans spectateur, avec une ambition cinématographique.  Un tel challenge n’avait jamais été fait pour un groupe de musique »


RPF: « Appréciez-vous le groupe ? Avez-vous participé à des réunions préparatoires avec lui ou son management ? »

Jacques Boumendil: « Je possédais des disques de ce groupe car j’aimais l’inventivité, les sonorités planantes totalement en prise avec l’époque Peace Love que nous traversions. En ce qui me concerne, la préparation a été principalement d’ordre technique, notamment la synchronisation du 20 pistes son avec 4 caméras  35mm dont deux BNC Mitchell. Les essais ont eu lieu à Paris entre l’ingénieur du son d’Europa Sonore et moi. A la base de ce projet nous étions cinq: Adrian Maben, Michèle Arnaud, la productrice pour MHF, Rainer Moritz, le producteur exécutif  avec qui nous avions déjà travaillé sur des films d’art, la script Marie Noël Zurstrassen, Zoé pour les amis, avec qui nous avions l’expérience du tournage East of Eden, et moi-même. Le matériel et les techniciens venaient de Cinécita Rome »

Le groupe, Steve O’Rourke et l’équipe photographié par Jacques BOUMENDIL ©

RPF: « Quel était votre rôle exact sur ce tournage en tant qu'opérateur caméra: Adrian Maben vous laissait-il une certaine latitude pour filmer et prenait en compte vos remarques ou le timing de tournage primait-il ? »

Jacques Boumendil: « Grâce à cette proximité dû à une longue collaboration et des goûts proches nous décidions souvent ensemble. La précision du choix des axes et du cadre était essentielle car nous étions très limité en pellicule et il n’était pas question de gaspiller un seul mètre »


RPF: « Quel était le planning-type d'une journée de tournage ? Y avait-il un plan de tournage précis pour ces séquences ou l'improvisation pouvait y tenir une place (malgré les problématiques de synchronisation) ?  »

Jacques Boumendil: « Il n’y a eu aucune improvisation en ce qui concerne la technique. Adrian et Zoé Zurstrassen, la script étaient attentifs au minutage de chaque morceau et faisaient démarrer les caméras à tour de rôle de façon à éviter les doublons, sachant par avance quels axes seraient utilisés au montage. La gestion de la pellicule a été un souci permanent ».


RPF: « Quel était le planning-type d'une journée de tournage ? Y avait-il un plan de tournage précis pour ces séquences ou l'improvisation pouvait y tenir une place (malgré les problématiques de synchronisation) ?  »

Jacques Boumendil: « C’est exact, le premier jour de tournage, l’installation électrique fournie par la ville a rendue l’âme, on a dû faire venir un groupe électrogène de toute urgence. Je n’étais pas directeur photo, car personnellement, j’aurais exigé un groupe électrogène dés le début. Ce contre-temps nous a permis de faire des plans du site de Sulfatare et une montée sur le Vésuve avec les Floyd »


RPF: « De fait, le tournage n'a réellement débuté que le 4 Octobre jusqu'au 7. Pouvez-vous le confirmer ? »

Jacques Boumendil: « D’après les historiens comme les Lunatics* qui on énormément travaillé sur cet évènement, le tournage in situ aurait débuté le 4 octobre 1971 et le 7 octobre a été le dernier jour de tournage avec l’angoisse de manquer de pellicule car la production avait vue trop juste. Les tournages jour et nuit se succédaient à toute vitesse car il fallait rattraper le temps perdu ».


RPF: « Les caméra 35mm étaient-elles maniable (le directeur photo de Fellini avait dénoncé le manque de flexibilité de celles-ci) ? »

Jacques Boumendil: « Les 2 caméras principales étaient des BNC faisant pas loin de 100 Kg avec sur le flan une plaque où était gravés les titres des films importants sur lesquelles elles avaient servies. 

Le directeur photo Ettore Pogani avait comme tout directeur photo le souci de travailler vite, il était donc moins concerné par le cadre dans le détail. À l’occasion, il prenait une Arri 2 pour compléter les axes de prise de vues.  Bien que plus légère cette caméra faisait un bruit de machine à coudre ce qui limitait son utilisation et nous obligeait donc  d'utiliser principalement les deux BNC. Bien entendu, avec de pareils monstres, deux machinistes étaient nécessaires car montées sur pieds boule on ne les déplaçaient pas facilement . Lorsque le choix du cadre était fait, il n’était plus question de changer de place. Heureusement, cette lourdeur effective du tournage ne se sent pas grâce à  la vivacité du montage de José Pinheiro et les effets qu’on pouvait réaliser à l’époque »


RPF: « Quelles relations entreteniez-vous avec le groupe ? Certains disent que David Gilmour et Nick Mason étaient assez proches de vous pendant le tournage ? »

Jacques Boumendil: « Roger Waters semblait assez difficile à convaincre du bien-fondé de certaines séquences. Pendant le tournage le groupe était très concentré. Les relations avec les techniciens étaient purement techniques. Lorsqu’ils avaient une pause, ils restaient entre-eux à plaisanter.  C’est vrai que je me sentais plus proche de Nick car j’étais sa principale caméra et de le voir battre était fascinant. j’ai fait tous les plans de batterie que l’on voit dans le film.  Dans la répartition des cadre, je me suis également trouvé face à David, un extraordinaire musicien.Je pense que l’ensemble de la troupe avait beaucoup d’humour, car ilfallait garder son calme et la concentration dans la fulgurance de ce tournage »


RPF: « Les membres du groupe sont-ils à l'origine de certaines idées de tournage ?»

Jacques Boumendil: « Bienévidemment ce n’est pas envisageable autrement, notamment la séquence dont voulait absolument Adrian Mademoiselle Nobs avec le chien qui chante avec David Gilmour, personne n’aurait pu l’inventer ! »


RPF: « Le tournage de One of These Days a supposé la mise en place d'une caméra située au-dessus de la batterie de Nick. Qui en a eu l'idée ? et est-ce que cela présentait des difficultés d'ordre technique ?»

Jacques Boumendil: « Tous les plans de ce film ont été le fruit d’une collaboration très étroite avec Adrian comme jel’explique plus haut, nous avions la même conceptionesthétique du cadre en jouant souvent sur la symétrie »


RPF: « Etiez-vous en charge des séquences dans Pompéi in situ ?»

Jacques Boumendil: « Avec la caméra légère, j’ai tourné quelques plans sur le site de Pompei »


RPF: « Avez-vous participé aux séquences additionnelles tournées au mois de décembre 1971 aux Studios Europa Sonore ?»

Jacques Boumendil: « J’étais déjà engagé sur un autre film, donc pas disponible. Ala demande de Michèle Arnaud, Adrian a engagé Willie Kurant, un directeur photo connu pour son implication dans la nouvelle vague »


RPF: « En tant que professionnel, que pensez-vous de l'utilisation des transflex**?»

Jacques Boumendil: « Letransflex était souvent utilisé à l’époque, c’était nouveau, ça remplaçait efficacement latransparence car on n’avait pas encore les incrustations numériques. Le traitement argentique était coûteux et on l’a largement utilisé.Mais n’aurait pas permis les effets actuels. Personnellement, je regrette ces séquences en studio façon clip qui créent de l’artificiel et cassent la magie du site de Pompéi »


La séquence de One of these Days mis en place par Jacques BOUMENDIL 

et Adrian Maben. Photographie par Jacques BOUMENDIL ©

Jacques BOUMENDIL filmant David Gilmour sur Echoes. Jacques BOUMENDIL ©

RPF: « Etes-vous intervenu à quelque niveau que ce soit au niveau du montage ? »

Jacques Boumendil: « Non. Le montage s’est fait en Normandie près de Rouen au Moulin d’André, un joli moulin tout en colombage transformé en société de post-production où de nombreux cinéastes de la nouvelle vague venaient travailler »


RPF: « Avez-vous souvenirs de séquences que vous avez tournés mais qui n'ont pas été retenues lors du montage final ? »

Jacques Boumendil: « À la projection d’un film quand on l’a tourné, on sent inévitablement une frustration et on se demande pourquoi tel ou tel plan n’a pas été monté. 

Pour le spectateur, il voit un film fini et il ne se demande pas si tous les plans sont montés. Il faut donc avoir le regard neutre du premier spectateur et ne juger que le résultat. Donc, oui, il y a des plans qui n’ont pas été utilisés; bien qu’il n’y eut que très peu de rebut »


RPF: « Le résultat final correspondait-il à l'idée originelle de Maben ? »

Jacques Boumendil: « Il existe plusieurs versions du film. Personnellement, je préfère le premier montage plus proche du sentiment que nous avons ressenti au tournage. 

Ensuite la version director’s cut avec la fusée au début et les différentes séquences ajoutées me semblent moins authentiques »


RPF: « La rumeur parle d'un livre « Anthology » (à l'instar de ce qui s'est fait pour les Beatles) dans lequel vos photographies y aurait une large part. En dehors de ce projet, avez-vous l'intention de sortir une sorte de monographie concernant ce tournage ? »

Jacques Boumendil: « Ecrire est un travail conséquent, je n’ai pas le souvenir suffisamment précis pour attaquer un livre sur ce tournage. Il existe un livre édité en Italie par Giunti Editor et écrit par les « Lunatics »***


*     En réalité, le tournage proprement dit ne commença que le 4 Octobre.

**   Procédé, désormais obsolète, permettant de projeter un film à haut contraste a l’arrière d’un écran pour permettre de filmer un acteur devant (une sorte d’incrustation d’image avant l’heure).

*** Les « Lunatics » sont un groupe de fan ayant écrit un ouvrage intitulé « Pink Floyd a Pompei » (en italien). Il est disponible ici: http://www.thelunatics.it/tlhomebook3.htm






Jacques BOUMENDIL de retour à Pompéi